Marcher avec l’eau qui court

Concevoir et réaliser une résidence de médiation architecturale autour de l’arpentage, la linogravure et la rivière, Pixel [13] + Ensa Clermont-Ferrand + DRAC Auvergne Rhône-Alpes + Collectif Supercali, 2025

La résidence de 5 semaines consistait en une intervention auprès d’étudiants en master à l’Ensa Clermont-Ferrand, de collégiens du Collège Albert Camus et d’enfants du Centre Mercœur autour de l’architecture, de la morphologie urbaine et du grand paysage.

Centrée autour de la création d’un lien entre l’établissement supérieur et son quartier, la résidence portée par la DRAC et l’association Pixel [13] nous a permis de développer toute une pédagogie articulant l’arpentage et la linogravure. Le projet Marcher avec l’eau qui court propose aux différents publics de s’intéresser à la place qu’occupe l’eau dans la métropole clermontoise. Invisible la majeure partie du temps, la rivière surgit parfois et devient un point de regard efficace sur la morphologie urbaine, le paysage mais aussi l’architecture.

Découpée en plusieurs phases, la résidence débutait avec une médiation étudiante autour de la linogravure mais aussi du cadre de travail en collectif. Cette rencontre riche nous a permis d’affiner la temporalité et la difficulté des ateliers de gravure menés plus tard avec les publics plus jeunes. Les illustrations réalisées, accolées à un mot, viennent nourrir un jeu-objet : Les Us de l’eau. Véritable cartomancie divinatoire aquatique, le jeu est aussi un objet de médiation autour des cultures de l’eau qui va être amendé au cours des ateliers. Ces rencontres ont aussi été l’occasion de faire des ponts entre notre pratique de médiation en collectif de jeunes pratiquants avec des étudiants engagés auprès des écoles du quartier.

Dans un second temps, la résidence s’est concentrée autour du Collège Albert Camus et de la classe des 5e3. Le premier jour les collégiens ont arpentés la rivière de la Tiretaine, au cœur de la métropole clermontoise. Durant cette marche, ils ont pu endosser les multiples casquettes qui façonnent le regard sur l’espace urbain et son paysage. Tantôt urbanistes, cartographes, hydrologues ou encore historiens, ils ont exploré la ville le long du tracé de la rivière, parfois visible mais souvent enterrée.

Cet arpentage a été l’amorce d’une cartographie sensible des espaces traversés, mais surtout d’histoires et d’usages aquatiques illustrés en linogravure le deuxième jour. Ces illustrations ont été compilées avec les linogravures des étudiants dans le jeu de carte.

Le dernier atelier de cette résidence s’est étalé sur 6 demi-journées du 24 au 28 février 2025 auprès des enfants du centre aéré de l’espace Mercœur. La médiation s’appuyait sur un scénario fictif d’une grande inondation qui aurait provoqué l’apparition d’un lac en lieu et place de la Plaine de Limagne. Cette inondation, provoquée par une mousson continue sur 5 années, aurait progressivement réactivé le lac préhistorique de Limagne, transformant la métropole en archipel, l’école d’architecture en jetée et les tours du quartier de la Croix de Neyrat en émergences paysagères. Loin d’un scénario alarmiste, cette histoire s’appuie sur des récits et documents fictifs heureux d’adaptations à cette montée progressive des eaux. A la manière du film Ponyo sur la falaise d’Hayao Miyazaki sorti en 2008, le grand débordement permet de mettre en réflexion nos usages, nos dépendances et nos vulnérabilités face aux eaux de surfaces tout en maintenant un paysage onirique nécessaire pour aborder ces sujets parfois catastrophiques.

Durant 5 jours, les enfants ont été amenés à enquêter sur cet événement pour déterminer ses causes, ses conséquences mais aussi pour projeter une acculturation aux eaux. Ils ont manipulé des cartographies récentes et anciennes, décodé des messages du passé, représenté la montée des eaux en collages, arpenté la rivière, écrit des histoires et gravé des tampons.

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