Architectural Tarot

Co-conception d’un jeu de cartes, enseignement Tupos avec Pauline Boyer, Ensa Nantes, 2021

Le processus de conception architectural, bien qu’en partie cadré par des contraintes techniques propres à chaque projet, débute avant tout par une recherche créative personnelle. Cette recherche se base sur des sensibilités propres développées avant, pendant et après les études au travers du travail, des voyages mais aussi des lectures et des images qui ont infusé en nous. Ces sensibilités, ou sympathies architecturales sont la base de ce travail réalisé dans le cadre de l’enseignement Tupos à l’Ensa Nantes.

Au travers d’une compilation presque monographique de nos lectures, photographies, esquisses de projets, dessins réalisés sur le coin d’une table, nous avons comparé et mis en scène nos sympathies, nos lubies personnelles et comment elles s’immiscent dans notre processus de conception. Pour ma part, j’ai identifié quatre termes qui permettent de mieux saisir mes préoccupations architecturales.

Ma première rencontre avec l’espace s’est faite par l’exploration de lieux vides, pas nécessairement abandonnés, mais dont les usages sont de moins en moins présents. Que ce soit les gares de triages et leurs herbes folles, les usines décrépies, les jardins laissés en jachère. Tous ces lieux en état de désoccupation offrent à voir des paysages proches de l’esthétique de la ruine. Une forme de mélancolie mais aussi d’appréhension de ce que pouvait être le lieu avant.

Ma seconde sympathie architecturale vient de l’idée du chez-soi. Cet espace qui peut être public ou privé, étroit ou spacieux, matériel ou immatériel mais qui, de manière parfois étrange, nous englobe de sa générosité. L’espace, par ses caractéristiques nous offre sa bienvenue. Il est difficile de concevoir ce type d’espace lors de projets impersonnels, c’est pourquoi ma pratique se dirige plutôt vers une forme d’architecture collective, co-conçue.

La troisième sensibilité illustrée ici, c’est l’orée. Située à l’interface entre deux milieux, l’orée c’est la fin de la prairie et le début de la forêt. C’est la transition vers un autre espace qui, à la manière d’un seuil, vient débuter quelque chose de nouveau. Cette limite épaisse, je l’ai dessinée sous forme de séquences d’entrée dans un logement ou encore sous forme d’espaces visuels faisant le lien entre intime et communs.

La dernière sympathie architecturale se détache des trois autres en les transcendant. La désoccupation, la bienvenue et l’orée ouvrent tous sur des dispositifs spatiaux là où infuser induis à mon sens plutôt une méthodologie. L’architecture ne peut pas tout, mais elle peut sensiblement beaucoup. Bien sûr la conception des espaces influence nos humeurs, notre qualité de vie mais surtout elle est le reflet de notre organisation sociétale. Produit par une société à un instant T, l’architecture est souvent le produit d’un pouvoir qui se renforce, s’impose par sa spatialisation. Cette dernière sympathie est donc plutôt un rappel que je me fais, de ne pas négliger l’impact de mes créations sur le monde et ses habitants.

EN