Parliament of Tougas

Projet étudiant, Grands sentiers avec Anne Bossé + Petra Marguc, ENSA Nantes, 2022

The Grands sentiers led by Anne Bossé, invites you to explore the area on foot, by walking. This action is as much a manifesto as it is a tool for apprehending spaces, enabling us to adopt a posture at the scale of the body in movement. With a strong focus on architectural research on Nantes, the project aims to create a major metropolitan trail by the end of its fourth and final edition in 2024. More information is available in the dedicated Hypothèse booklet https://gdsentiers.hypotheses.org/which compiles the genesis and approach of each project developed, including the Parlement de Tougas mais aussi Reconnecter le Boire de la Coudrouse, mon projet de fin d’études réalisé dans ce même studio.

Que faire des 5 millions de tonnes de déchets en décomposition sous le plateau de Tougas situé à l’ouest de la métropole nantaise ? L’ancien site d’enfouissement ouvert en 1960 et fermé en 1992 est sur le point de refaire parler de lui. Après 30 ans de surveillance post-exploitation, il est devenu clair que les lixiviats, eaux de percolation hautement polluées, risquent d’ici à 5 ans de se déverser dans d’importantes quantités dans la Loire. Pourtant les solutions existent déjà. C’est la dépollution du site via le traitement des déchets en décomposition, ce qui a notamment été fait sur la partie la plus ancienne. Ou bien l’aménagement des prairies humides laissées en jachères pour récupérer les eaux de ruissellement, les dépolluer et les infiltrer. Tout ceci est dès aujourd’hui possible mais n’est pas réalisé par manque de volonté politique et de mobilisation populaire. Il faut pousser ce débat publiquement pour que la mise en œuvre de solutions soit discutée.

Voici les enjeux à l’origine du projet de Parlement de Tougas, qui devient alors une architecture manifeste destinée, non pas à être réalisée en l’état un jour, mais permet d’alimenter un débat politique et donne à voir cette problématique collective dans l’espace.

Situé au cœur même du lit majeur de l’estuaire de la Loire, la plaine de Tougas fait partie des prairies de Loire, un espace de marnage en eau saumâtre pâturé de manière commune par les éleveurs locaux. Cette alternance dans la salinité des eaux et le maintien d’une végétation basse permet une profusion d’habitats le long de l’estuaire. On y retrouve un grand nombre d’espèces indigènes. Ces zones humides riches en biodiversité sont progressivement drainées par l’Homme au tournant du 20e siècle pour offrir plus zones d’interface hors-d’eau avec l’estuaire et son débouché commercial.


Progressivement, une décharge sauvage s’installe et est officialisée après l’achat des terres par la commune d’Indre en 1960. Le stockage de déchet continue jusqu’à contenir plus de 5 millions de tonnes lors de l’arrêt d’exploitation du site d’enfouissement en 1992. La partie du site la plus à l’est est dépolluée et réhabilitée en terrain de moto-cross et le plateau devient l’espace de collecte pour une des 11 déchetteries de la métropole.

Ces quelques 700 000 m² de prairie referment aujourd’hui l’équivalent d’environ huit tours Bretagne au sein d’un lit majeur quadrillé d’infrastructures coupant les continuités de milieux. Ce morcellement est d’autant plus avancé que le plateau de Tougas, barrière anthropique par excellence, est tout de même intégré à la « Coulée verte herblinoise », ensemble de prairies, parcs et de zones humides mises en cohérence sur la commune de St-Herblain.


Mais le plateau de Tougas est loin d’être retourné à l’état de prairie. Sous la terre se cachent quelques 78 puits de captages dédiés au gaz et 86 pompes de relevage des eaux dédiés à la gestion de la putréfaction et la décomposition des déchets toujours présents. Ces éléments organiques ou artificiels encore présents sur plusieurs milliers d’années continuent de polluer sous forme du gaz de décharge, un mélange de méthane et de dioxyde de carbone très présent au début de la décomposition, mais surtout sous forme de lixiviat, une eau qui va se charger de solvants, pesticides, métaux lourds médicaments et autres éléments solubles par percolation. Ces eaux, si elles ne sont pas pompées et traitées rapidement, traversent les sols et contaminent les nappes, ici la nappe ligérienne. Ici, les fuites existent déjà et sont identifiés, mais il est estimé qu’elles vont progressivement se multiplier à mesure que le géotextile se déchire.

Le projet du Parlement de Tougas propose de poser la question du devenir du plateau de Tougas en mettant en scène les processus à la fois chimiques et politiques en action sur le site. L’architecture accompagne le ruissellement des lixiviats remontés par les pompes qui sont progressivement phyto-épurés pour être ensuite rejetés dans le milieu. Ce ruissellement gravitaire est complété par un espace de mise en discussion collective des avenirs de Tougas sous forme d’un amphithéâtre au cœur des déchets.

Pensé comme une saigné du plateau, l’aménagement offre à voir la succession des strates de déchets témoins des époques, des pratiques de consommation et de gestion des éléments indésirables. Les terres sont retenues par un système de poteaux de béton qui structurent l’espace implantés en profondeur à la manière d’une paroi berlinoise. L’ensemble est stabilisé au moyen de tirants directement dans les terres de déchets.

Le Parlement de Tougas débouche sur un plan d’eau aménagé dans la saignée. Cette eau stagnante permet aux bactéries s’appuyant sur une présence d’oxygène de proliférer et d’achever le processus de traitement des eaux. Enfin, à la pointe du dispositif, l’eau est rejetée dans le réseau d’eaux surfaciques rejoignant la nappe ou l’estuaire tout proche.

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